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Mystère coeur de meringue
2 avril 2009

pour que la petite étoile au bout de la grande casserole se mette à scintiller

Joséphine se redressa, et aperçut les étoiles dans le ciel. Elle pensa à son père, elle se mit à parler tout haut.
- Elle ne sait pas, vous savez, elle est si jeune, elle n'a pas encore touché la vie. Elle croit tout savoir, elle juge, elle me juge... C'est de son âge, c'est normal. Elle aurait préféré avoir Iris comme mère ! Elle est belle, elle est très belle, la vie lui est facile... C'est cette petite différence là qu'elle voit, ma fille. Et elle ne voit que ça! Ce petit plus qui est si injuste, qu'on reçoit à la naissance, on ne sait pas pourquoi, ce qui facilte toute une vie! Mais la tendresse, l'amour que je lui porte depuis qu'elle est née... Elle le voit pas. Pourtant elle en est pétrie! Cet amour que je lui donne depuis qu'elle est toute petite, cet amour qui me faisait me relever la nuit quand elle faisait un mauvais rêve, qui me nouait le ventre quand elle rentrait triste de l'école, qu'on lui avait mal parlé, qu'on l'avait mal regardée! Je voulais prendre toutes ces souffrances pour qu'elle n'ait pas de peine, qu'elle aille de l'avant, insouciante et légère... J'aurais donné ma vie pour elle. Je le faisais avec maladresse, mais c'est parce que je l'aimais. On est toujours maladroit avec les gens qu'on aime. On les écrase, on les encombre avec notre amour... On ne sait pas y faire. Elle croit que l'argent est tout, que l'argent donne tout, mais ce n'est pas l'argent qui faisait que j'étais là quand elle rentrait de l'école, tous les jours, que je préparais son goûter, que je préparais son dîner, que je préparais ses affaires pour le lendemain pour qu'elle soit la plus belle, que je me privais de tout pour qu'elle ait ses belles tenues, de beaux livres, de belles chaussures, un bon steack dans son assiette... que je m'effaçais pour lui laisser toute la place. Ce n'est pas l'argent qui donne ces attentions-là. C'est l'amour. L'amour qu'on verse à un enfant et qui lui donne sa force. L'amour qu'on ne compte pas, qu'on ne mesure pas, qui ne s'incarne pas dans des chiffres... Mais elle ne le sait pas. Elle est trop petite encore. Elle le comprendra un jour... Faites qu'elle le comprenne et que je la retrouve, que je retrouve ma petite fille! Je l'aime tant, je donnerais tous les livres du monde, tous les hommes du monde, tout l'argent du monde pour qu'elle me dise un jour "maman, je t'aime, tu es ma petite maman chérie"... Je vous en supplie, les étoiles, faites qu'elle comprenne mon amour pour elle, qu'elle ne le méprise plus. Ce n'est pas dur pour vous de faire ça. Vous voyez bien tout l'amour que j'ai dans le coeur, alors pourquoi elle le voit pas, elle? pourquoi?
Elle laissa tomber sa tête entre ses mains et resta là, penchée sur le balcon, priant de toutes ses forces pour que les étoiles l'entendent, pour que la petite étoile au bout de la grande casserole se mette à scintiller.
- Et toi papa... Combien de temps il m'a fallu pour comprendre que tu m'avais aimée, que je n'étais pas toute seule, que je tirais ma force de toi, de ton amour pour moi ? Je ne l'ai pas su quand tu étais encore là, je n'ai pas pu te le dire. C'est après que j'ai compris... bien après... Je te demande juste qu'elle le comprenne un jour... Pas trop tard parce que tu vois, j'ai trop de peine quand elle me rejette. Ca me fait mal à chaque fois, je m'y habitue pas...
C'est alors qu'elle sentit quelque chose se poser sur son épaule.
Elle crut que c'était un effet du vent, une feuille tombée du balcon du dessus, qui venait se posait sur elle pour la réconforter. Elle croyait si fort que les étoiles l'écoutaient.
C'était Hortense. Elle ne l'avait pas entendue entrer. Hortense, debout derrière elle. Elle se redressa, l'aperçut, lui adressa un sourire de pénitente, surprise en train de s'abîmer.
- Je regardais les plantes de papa... Elles sont mortes depuis longtemps. J'ai oublié de m'en occuper. J'aurais dû y faire attention, ça comptait tellement pour lui.
- Arrête maman, arrête..., dit Hortense d'une voix douce et basse. Ne t'escuse pas. Tu en planteras d'autres...
Elle ajouta, en relevant sa mère :
- Allez viens. Va te coucher, tu es fatiguée... Et moi aussi. Je pensais pas que ça pouvait être si fatiguant de parler comme je l'ai fait ce soir. Tu m'as écoutée ?
Joséphine fit oui de la tête
- Et... ? demanda Hortense, attendant le jugement de sa mère.
Pendant le trajet du retour en taxi, elle avait pensé à sa mère, à l'idée qu'elle se faisait de sa mère, à la manière dont elle en avait parlé devant tous ces gens qui ne la connaissaient pas. Soudain Joséphine était devenue un personnage, une inconnue qu'elle regardait de l'exterieur. Joséphine Cortés. Une femme qui se battait. C'est elle qui l'a écrit, seule, en se cachant parce qu'elle avait besoin d'argent pour nous, pas pour elle... Elle ne l'aurait pas fait pour elle seule. Dans le taxi qui filait sous les lumières blafardes des réverbères, elle l'avait vue comme si elle ne le connaissait pas, comme si on lui racontait l'histoire d'une inconnue. Elle avait vu tout ce que sa mère faisait pour elle. C'était devenu une évidence qui grossissait au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de leur immeuble.

Les yeux jaunes des crocodiles
Katherine Pancol

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Commentaires
P
Je suis tres heureux de te voir re remplir ce blog ke j'aime:-D
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